Comment scénariser une formation par la narration ?

Scénariser formation par narration - Speedernet

Scénariser une formation est synonyme de découpage des apprentissages en modules qui forment un parcours. Cela dit, « scénariser » est également utilisé en narration et consiste en un ensemble de techniques qui débouchent sur la création d’un scénario et in fine, sur une histoire. Or, il se trouve que raconter une histoire est la meilleure façon (avec le jeu) d’exciter l’attention du cerveau et d’obtenir une mémorisation et une intégration d’informations optimales. La narration permet de libérer des hormones dans le cerveau (dopamine, endorphine et ocytocine) qui mettent celui qui écoute l’histoire dans des dispositions incroyablement favorables à l’apprentissage.

On fait donc vite le lien entre l’objectif opérationnel d’une formation et le pouvoir d’une bonne histoire.

Mais une fois qu’on l’a dit, vient le moment pour un certain nombre de concepteurs de se trouver face à l’effroyable vertige de la page blanche. Comment dépasser l’exercice pour plonger l’apprenant dans une expérience pédagogique forte, pour le sortir de l’aspect « scolaire » du processus d’apprentissage ?

Voyons quelques éléments de méthode qui pourraient vous aider si le blanc de votre écran vous hypnotise.

Les 5 sens pour immerger

La première démarche utile (très utile également en présentiel d’ailleurs), est de passer par les cinq sens pour immerger votre apprenant dans l’univers du module. Parmi les évidences :

  • Choisissez attentivement les couleurs à utiliser bien sûr, les formes, la typographie, le traité graphique,
  • Pensez au timbre des voix off, à la musicalité et au rythme des phrases (courtes avant tout, mais vous pouvez essayer des énumérations en rythme ternaire, des répétitions, des hyperboles etc.),
  • Veillez à utiliser des musiques pertinentes et en lien avec l’ambiance de votre thématique (et libres de droits si vous n’avez pas directement les droits d’exploitation de l’œuvre) et un design sonore approprié.

Viennent ensuite les éléments qui demandent un effort plus conséquent pour être utilisés mais qui peuvent avoir de la pertinence :

  • Suggérez le goût et les odeurs via les dialogues, qu’ils soient prononcés à haute voix par l’avatar de l’apprenant ou des figurants, ou bien via une voix intérieure ou encore un narrateur extérieur (« Tiens, ça sent la fumée », « Hmmm quel délicieux parfum de bergamote, ça me rappelle… », « Vous arrivez comme tous les matins dans l’entrepôt à 5h, mais cette fois, au milieu des odeurs habituelles, vous sentez une étrange odeur de fumée »),
  • Enfin, il est possible d’évoquer le toucher par les mêmes moyens que le goût et les odeurs, ou bien avec de la photo. Par exemple, en montrant la texture d’un fauteuil ou d’un vêtement, le grain du bois ou du cuir, les aspérités etc. de tout objet/produit pertinent dans votre module.

Être explicite, le plus tôt possible

N’ayez pas peur de proposer un prologue dans votre module. Dans cette première partie où l’apprenant est inactif, vous allez pouvoir lui donner :

  • Les enjeux de la formation,
  • Le sens de ce module pour lui,
  • Les consignes et le fonctionnement de l’outil.

Mais aussi en profiter pour poser l’ambiance grâce aux cinq sens tel que nous l’avons évoqué plus tôt. Ce premier temps de la formation permettra à l’apprenant de faire la coupure avec le reste de sa journée et de s’immerger pleinement dans l’expérience que vous lui proposez et dans les enjeux de son apprentissage.

Oser l’exagération dans votre scénario

Les situations banales (donc trop proches du quotidien) ne stimulent pas les émotions et la mémoire autant qu’une surprise. Bien sûr, il s’agit de former des professionnels ou futurs professionnels à mobiliser leurs compétences et leurs connaissances sur le terrain. Mais le « train-train quotidien » n’est pas fait pour exciter l’attention.

Au contraire, notre cerveau intègre et automatise le plus possible d’opérations afin d’optimiser les dépenses d’énergie nécessaires à la vie quotidienne. En effet, la plupart des gens ne se redemandent pas sans arrêt comment se présenter quand il vont acheter du pain. Ce qui lui permet de se mobiliser efficacement si quelque chose d’inhabituel survient (si un ours débarque dans la boulangerie par exemple).

Faites des surprises !

Dès lors, la surprise permet de stimuler l’attention et les mécanismes de la mémoire. Reste ensuite à donner du sens à la dite surprise pour que le cerveau emmagasine l’information qu’il considèrera utile (je ne suis pas hyper confiant concernant mon ours par exemple… s’il fait trois mètres, qu’il est violet, qu’il porte un fusil d’assaut, une casquette à hélice et qu’il hurle le théorème de Pythagore, c’est mieux ? Ne partez pas tout ça va avoir du sens à la fin !).

Et mettez du conflit

Exagérez ! N’ayez pas peur de caractériser fortement vos personnages. N’ayez pas peur non plus de proposer un cadre « exotique » et des situations plus stéréotypées que nature à vos apprenants (si mon ours vient demander une baguette bien cuite et repart gentiment, ça retombe, forcément). En dramaturgie, on parle d’ajouter du « conflit ». C’est à dire de proposer des éléments qui vont pousser l’apprenant à se concentrer sérieusement et ne pas se reposer sur ce qu’il sait déjà (si mon ours arrête de hurler et s’effondre en pleurs en retournant le fusil contre lui, là il y a du conflit, notamment dans le cadre d’une formation à l’accompagnement psychologique des personnes en grande détresse).

Des situations intenses en formation

Si votre apprenant doit apprendre à gérer les relations clients, inutile de lui présenter une personne mesurée et immédiatement rationnelle : « Bonjour Monsieur, excusez-moi de vous demander pardon mais je voulais vous dire que si possible j’aimerais un échange de mon produit malencontreusement devenu défectueux, s’il vous plaît ».

Passez directement à « BONJOUR ! D’habitude je dis rien mais là c’est trop ! J’ai acheté votre truc y a deux jours et il est déjà en rade ? Qu’est-ce que c’est que cette qualité pourrie ?! J’en veux un autre et tout de suite sinon je casse tout ! ».

Avouez qu’on sent quand même plus la nécessité de mobiliser ses connaissances en communication non violente dans le deuxième cas non ? Cela tiens notamment au fait qu’on n’a pas passé de longues minutes à poser un cadre mou, à démarrer laborieusement un dialogue inintéressant.

Parlez-moi d’humour… ou pas

Photo de Andrea Piacquadio sur Pexels

Alors vous me direz « nous sommes une entreprise sérieuse, on ne peut pas se permettre d’aller trop loin. Et d’ailleurs le sujet lui-même est sérieux, on n’est pas là pour rigoler ». Pour le coup, je n’ai pas parlé d’humour – même si c’est un ressort extrêmement puissant – mais bien d’intensité dans les situations proposées. Il s’agit de solliciter l’apprenant, pas nécessairement de le faire rire.

Alors c’est vrai, la chose est parfois délicate et c’est précisément pour cela qu’il existe des professionnels de la conception qui savent tourner les sujets de sorte qu’ils soient engageants et en lien avec l’état d’esprit que vous voulez instaurer dans vos modules.

Cela étant, quel que soit le sérieux de votre positionnement, les cerveaux fonctionnent de façon relativement similaire et la surprise et l’intensité seront toujours plus efficaces que des situations convenues.

La structure en 3 actes… ou 5

Allons maintenant nous faire voir chez les grecs antiques et plus précisément chez Artistote qui a théorisé la structure narrative en trois actes. Le concept est très simple, il s’agit de proposer une rencontre, une confrontation et une résolution.

Par exemple pour de l’onboarding :

  • Acte 1 : Le nouveau est accueilli par son manager qui lui présente les locaux, les équipes et l’entreprise au sens général.
  • Acte 2 : On lui donne l’emploi du temps de sa première journée. Il doit se rendre aux bons endroits, parler aux bonnes personnes et faire les démarches prévues.
  • Acte 3 : Fin de la première journée, il se retrouve au café avec toutes les personnes qu’il a réussi à trouver (et pas les autres) pour un débrief sous forme d’échanges selon ce qu’il a accompli.

C’est simple, efficace et on est sûr de ne pas oublier notamment la dernière étape qui consiste à mettre l’apprenant face à ses résultats.

Cela dit, cette structure très simple peut manquer d’aspérités. Au vingtième siècle a été proposé un schéma en cinq parties dit « schéma quinaire« .

  1. Situation initiale : le décor est planté, le lieu et les personnages introduits et décrits.
  2. Complication : perturbation de la situation initiale.
  3. Action : moyens utilisés par les personnages pour résoudre la perturbation.
  4. Résolution : conséquence de l’action.
  5. Situation finale : résultante de la résolution, équilibre final.

Cette structure détaille plus les étapes intermédiaires du scénario. Peut-être que l’apprenant va devoir se confronter à des personnalités un peu « spéciales » ou se débrouiller pour trouver le plan du bâtiment afin de trouver les gens dont il a besoin. Ou bien encore qu’il va se trouver perturbé dans son planning par des événements perturbateurs et devoir faire des choix qu’il pourra justifier par la suite.

Cette structure amène donc à des scénarios plus riches en péripéties. A utiliser selon le temps disponible pour les modules en n’oubliant pas qu’il est possible de faire des « épisodes », c’est à dire de faire de chaque module un épisode d’un ensemble narratif plus grand.

Finalement, une histoire est une affaire de regard

Au final, nous avons vu ensemble un certain nombre d’outils qui peuvent vous permettre d’immerger votre apprenant de façon très forte dans vos contenus. Mais si la page blanche vous guette au moment de métaphoriser les apprentissages, n’oubliez pas que vous êtes en contact permanent avec de la narration. Séries, livres, films, magazines, blogs, podcasts etc. les inspirations sont innombrables alors n’hésitez pas à piocher dans ce vivier d’idées ! Et au-delà de les « consommer » comme un spectateur lambda, demandez-vous simplement quels sont les mécanismes qui font de telle ou telle histoire un succès. Et puis servez-vous en, tout cela est au service de l’efficacité de vos formations.

Alors vous narrez quand vous créez vos formations ? Quelles sont vos inspirations favorites, comment les mettez-vous en scène dans vos modules et surtout, comment réagissent vos apprenants ? Dites-nous tout ici ou sur les réseaux !

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Commentaires (2)

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