Le droit à l’erreur en formation

Il est difficile d'accepter de laisser à ses apprenants le droit à l'erreur. Pourtant, c'est un élément puissant de sa formation. Voyons cela.
Le droit à l'erreur en formation - Speedernet
Article rédigé par Nina Gourlat - conceptrice pédagogique chez Speedernet

En théorie, le droit à l’erreur semble acquis. « L’erreur est humaine », dit-on. Ou encore « on apprend de ses erreurs ». Pourtant, en formation, il apparaît difficile d’accorder ce droit à l’erreur, d’accepter de laisser ses apprenants se tromper. 

Peut-être parce qu’on a souvent en tête des dispositifs très classiques comme « bloc de contenu > question de vérification > feedback sur la réponse ». Et il est vrai que dans ce cas, laisser l’apprenant dans l’erreur un moment, n’est pas très pertinent.

Peut-être aussi est-ce dans un souci de gain de temps… Mais là encore, ne vaut-il pas mieux laisser un apprenant quelques minutes dans l’erreur pendant sa phase d’apprentissage pour ancrer plus durablement un enseignement ? Car oui, il existe bien d’autres manières de mettre l’apprenant au cœur de sa formation et c’est ce que je vous propose de découvrir à travers cet article.

D’où vient notre rapport complexe à l’erreur ?

Peut-être le saviez-vous ? Ce rapport de peur, de jugement, vis-à-vis de l’erreur est une réalité très forte en France, alors qu’elle n’est pas autant marquée dans les pays nordiques ou certains pays anglo-saxons.

Exemple n°1 – L’apprentissage des langues

Pourquoi les Français sont réputés « mauvais en langue » ? De par le système scolaire français et son emphase sur l’écrit, mais également par la peur du jugement exercé par la société : prendre la parole à l’oral est synonyme de peur, pour beaucoup d’entre nous : peur d’être moqué ? Peur de se faire remarquer par son accent “trop bon” ou au contraire “trop mauvais” ? Dans d’autres pays, prendre la parole en public est une habitude, à l’instar des clubs de débats au Royaume-Uni et aux États-Unis.

Exemple n°2 – au travail

Dans la société canadienne, avec de la motivation et du sérieux, il est possible d’obtenir un premier emploi et de monter en compétences sans qualification préalable. A contrario, la France valorise davantage les diplômes, la connaissance, les expériences. On trouve parfois des annonces de stages requérant de l’expérience… Or, l’objectif-même du stage n’est-il pas de se former et d’acquérir de l’expérience ? Comme si, être débutant, se tromper, n’était pas une option.

Je ne veux pas ici fustiger (ou critiquer – ndlr) gratuitement des pratiques culturelles françaises, mais bien attirer votre attention sur la présence de ces mécanismes afin que nous les déconstruisions ensemble petit à petit.

Pourquoi laisser nos apprenants se tromper est une bonne chose ?

Parce que se tromper est un processus normal, sain et nécessaire.

Vous ne me croyez pas ? Et bien croyez Confucius quand il dit que “l’homme sage apprend des erreurs”. Mais c’est surtout scientifiquement prouvé : on apprend mieux de ses erreurs que de ses succès. Notre cerveau est capable de détecter les erreurs et de les intégrer afin de modifier notre comportement à l’avenir.

« Notre cerveau est équipé de multiples systèmes de détection des erreurs, de correction et de vérification. Il se sert de ces systèmes pour apprendre. Le priver de la possibilité de commettre des erreurs, c’est bloquer ses processus d’apprentissage.  »

Procyk, E. & Meunier, M. (2017). L’erreur forge le cerveau. Cerveau & Psycho, 87, 44-50

Toujours pas convaincu ? Demandez-vous : quel meilleur moment pour commettre des erreurs que durant un temps de formation ? (soit le moment où nos erreurs n’auront pas de conséquences graves). Ainsi, donner le droit à l’erreur à l’apprenant, c’est lui proposer une philosophie pédagogique qui se résumerait ainsi : “Se tromper maintenant pour être prêts ensuite”.

Allez au bout de son erreur

Permettre aux apprenants de se tromper est une chose, mais leur permettez-vous réellement d’aller au bout de l’erreur? Ont-ils la chance d’observer par eux-mêmes les conséquences de leurs actions avant qu’une rétroaction ne leur soit proposée ? (principe du feedback différé).

Le feedback “différé”, souvent boudé, car nécessitant une scénarisation plus poussée, peut pourtant s’avérer particulièrement intéressant :

  • dans le cadre d’une procédure à maîtriser et à réaliser dans un ordre précis ;
  • si les choix et actions d’une personne peuvent provoquer un effet boule de neige, entraîner des conséquences sur d’autres choses ;
  • si l’erreur à éviter peut entraîner un réel danger ou une conséquence grave (mise en danger de la vie d’un employé, amende à payer, procès, etc…) ;
  • lorsque plusieurs voies sont possibles pour parvenir au même objectif mais qu’il est important d’en choisir une et de rester cohérent tout le long de la démarche ;
  • parce que cette méthode permet de revenir sur la notion plus tard dans le module (principe de répétition) et ne pas partir du principe que la notion est acquise directement.

Bien sûr, observer les conséquences de ses actions implique la matérialisation visuelle de ces dernières. On peut alors passer par l’illustration, le motion design ou bien même la réalité virtuelle. Libre à vous de choisir la technique qui vous correspondra le mieux, mais quoi qu’il en soit, l’ancrage des connaissances sera renforcé !

Utiliser les émotions pour ancrer les notions

La science a prouvé que les émotions ont un rôle fondamental dans l’apprentissage puisqu’à chaque expérience vécue (d’apprentissage ou non) est attribuée une valeur émotionnelle. Plus l’émotion est intense, plus la valeur émotionnelle sera importante et plus la personne se souviendra de cette expérience. Ainsi, n’ayez pas peur de proposer des conséquences négatives dans vos modules, même si cela peut paraître contre-intuitif ! Habilement amenées, ces dernières peuvent tout autant faciliter l’apprentissage que des conséquences positives !

Quelques exemples

Bien, maintenant que nous avons parlé de la théorie, illustrons notre propos avec des exemples de modules de Digital Learning que nous avons réalisé, dans lesquels les apprenants ont la possibilité de se tromper !

Servier – Iliana Jones

Le module en quelques mots :

Dans ce module scénarisé, Iliana Jones part à la recherche du Trophée de la Compliance. Sur son chemin, elle devra déjouer les pièges que renferme une mystérieuse grotte pour récupérer 4 médaillons qui lui permettront d’accéder au fameux Trophée.

Type de feedback et leviers d’apprentissage :

L’émotion est au cœur de ce module, entre illustrations, musique et éléments de gamification. Ici, le feedback est immédiat mais l’apprenant observe les conséquences de ses choix. En répondant mal à la question posée, l’apprenant voit le médaillon lui échapper (c’est quelque chose dont il se souviendra !). En répondant correctement, Iliana débloque une première gemme.

Dans ce module, l’erreur est même au service de la narration. Sans les 4 médaillons, impossible pour lIliana d’accomplir sa mission.

Notre conseil :

Incorporez l’erreur dans le scénario du module : laissez vos apprenants faire des choix, possiblement se tromper et visualiser les conséquences de leurs actions, en particulier si l’issue est négative ! Cela marquera davantage les esprits, et l’efficacité de l’apprentissage en ressortira augmentée !

Enedis – B0H0

Le module en quelques mots :

Dans ce module de réalité virtuelle, l’apprenant – immergé dans la peau d’un technicien – doit réaliser correctement une procédure sur un poste électrique. Cette opération comporte de réels dangers.

Type de feedback et leviers d’apprentissage :

Face au poste électrique, l’utilisateur a toute liberté pour agir. C’est lui qui clique où il le souhaite, quand il le souhaite et dans l’ordre voulu (même si des indices sont dissimulés sous forme de questions pour accompagner l’apprenant).

Un mode entraînement permet à l’utilisateur de se tromper sans être pénalisé (c’est LE moment pour faire des erreurs).

Le module propose aussi un mode “évaluation” qui cherche à reproduire les conditions réelles de travail, il ne laisse plus place à l’erreur. L’utilisateur est mis face aux conséquences de ses actions. Ainsi le module s’arrête si une erreur grave est commise et l’apprenant a alors l’obligation d’approfondir ses connaissances avant de retenter l’expérience.

Notre conseil :

Si la formation présente des situations à risque, mettez l’emphase sur les erreurs de l’apprenant car c’est le seul moment où il pourra se tromper sans conséquences.

Donnez-lui simplement la possibilité de comprendre son erreur, d’encoder l’information, et d’avoir l’occasion de s’améliorer…

Conclusion

Vous avez probablement appris quelque chose par l’expérience n’est-ce pas ? En faisant une erreur que vous vous êtes promis de ne pas refaire. Eh bien n’hésitez pas à nous en parler dans les commentaires ou à nous dire comment vous intégrez le droit à l’erreur dans vos parcours de formation !

Image de couverture par Myriams-Fotos via Pixabay

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